Dans la tradition bouddhiste du Tibet, il est coutume de rechercher les tulkou, autrement dit la réincarnation des grands maîtres qui ont fait le vœu de revenir pour aider tous les êtres, quels qu'ils soient.
Le Vénérable Dagpo Rimpotché est âgé d'un an à peine lorsque Sa Sainteté le Treizième Dalaï Lama Thoupten Gyatso (1875-1933) le reconnaît comme la réincarnation d'un maître de la fin du 19eme siècle, Dagpo Lama Rimpotché Jhampel Lhundroup Gyatso, également appelé Bamtcheu Rimpotché (voir plus bas).
Comme son prédécesseur, Dagpo Rimpotché naît dans la région du Kongpo, au Sud-Est du Tibet, en février 1932. Dès l'âge de 6 ans, il rejoint son monastère de Bamtcheu Tcheudé, où il s'initie à la lecture, à l’écriture, ainsi qu'aux rituels des soutras et des tantras.
A 13 ans, il entre au monastère de Dagpo Shèdroup Ling, ou Dagpo Dratsang, réputé pour son niveau d'études extrêmement poussé et sa discipline rigoureuse. Ce monastère philosophique (dratsang) fut établi vers 1473 par Djé Lotreu Tenpa (1402-1478), un disciple de Djé Tsongkhapa le fondateur de l'école guélougpa.
Quand Djé Lotreu Tenpa rencontre Djé Tsongkhapa, ce dernier lui confie un exemplaire de son grand lamrim et lui conseille de fonder un monastère au sud du pays dans la région du Dagpo afin d'y enseigner. Ainsi, est-il été désigné "détenteur du lamrim".
Au monastère, le cursus se fonde sur les cinq thèmes majeurs (logique, paramita, madhyamika, abhidharma et vinaya) tout en insistant particulièrement sur l'enseignement et la pratique du lamrim, la voie progressive vers l'éveil : chaque année au mois d'avril une session entière y est consacrée, et tous les trois ans l'abbé du monastère est tenu d'enseigner un Lamrim. C'est pourquoi la tradition du lamrim est très développée dans la région, où le monastère est également connu sous le nom de Lamrim Dratsang (le monastère du lamrim).
La discipline y est extrêmement sévère, et ce pour tous quel que soit leur rang. Mais lors de ses premières années au monastère, le jeune Rimpotché montre plus d'entrain pour les amusements en tous genres que pour les études, à la grande déception de ses professeurs et des disciples de son prédécesseur. Un jour, néanmoins, il prend conscience de leur découragement. Ému, il se décide à répondre à leur attente, et surprend alors la communauté en apprenant à une vitesse étonnante une quantité considérable de textes. Il prend subitement goût aux débats philosophiques quand, grâce à l'un des ouvrages qu'il vient de mémoriser, il réfute aisément l'argument de son adversaire et remporte la joute.
Cet ouvrage n'est autre que La Précieuse Guirlande des vues philosophiques, composée par Keuntchok Djigmé Wangpo (1728-1791), la réincarnation du grand maître Kunkhyen Djamyang Shèpa (1648-1722, un disciple du Cinquième Dalaï Lama). Pour Rimpotché, ce texte est déterminant à plus d'un titre ; non seulement il lui donne une soif inextinguible de connaissances, mais les œuvres de ce maître l'attirent au point qu'il songe à se rendre là où il pourra les étudier plus en profondeur.
C'est en parcourant un peu plus tard un autre texte de Kunkhyen Djamyang Shèpa qui lui reste totalement hermétique, que Rimpoché décide de quitter Dagpo Dratsang en 1956 après y avoir passé onze années. Il est âgé de vingt-quatre ans. Il se rend au Tibet Central dans la grande université monastique de Drèpoung, où il intègre l'un des quatre collèges, Gomang Dratsang dont le cursus s'appuie sur les ouvrages de ce maître et de son successeur. Rimpotché y poursuit ses études philosophiques auprès du grand maître mongol Guéshé Ngawang Nyima Rimpotché. Etant à proximité de Lhassa et de deux autres grands monastères guélougpa, Séra et Ganden, Rimpotché a également l'occasion de recevoir les enseignements de nombreux autres maîtres.
Il demeure à Drèpoung Gomang jusqu'à l'insurrection de 1959. Après huit ans d'occupation chinoise, l'étau de la répression se referme sur le Tibet. Rimpotché décide alors de se rendre dans un pays libre à la suite de ses maîtres. Echappant aux arrestations massives, il parvient, non sans difficultés, à traverser l'Himalaya. Il est accompagné de assistant Guéshé Thoupten Phuntsog la, qui prend fidèlement soin de lui depuis ses premières années au Dagpo Dratsang.
A peine arrivé en Inde, il fait la rencontre d'universitaires de l'École Pratique des Hautes Études de Paris. Impressionnés par ses connaissances, son ouverture d'esprit et ses talents de pédagogue, ceux-ci l'invitent à venir en France pour collaborer à leurs travaux de recherche et de traduction. C'est ainsi qu'avec la permission et les recommandations de Sa Sainteté le Dalaï Lama, et toujours accompagné de Guéshé-la, Rimpotché est en 1960 le premier lama tibétain à s'installer dans notre pays. A Paris, il participe à de nombreux travaux universitaires avant d'enseigner la langue et la civilisation tibétaines à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales, où jusqu'en 1993 il formera bon nombre des interprètes actuels.
En 1977, Rimpotché finit par céder aux requêtes répétées de ses étudiants et à l'insistance de ses propres maîtres. Il commence à donner enseignements et conférences sur le bouddhisme, et depuis lors n'a cessé de s'y consacrer. En 1978, il fonde le Centre Bouddhiste Tibétain Guépèle Tchantchoup Ling à l'Haÿ-Les Roses, lequel deviendra par la suite l'Institut Ganden Ling. Celui-ci obtient en juillet 1995 le statut de congrégation religieuse, ce qui en fait la première congrégation bouddhiste guélougpa en France. L'Institut Ganden Ling oeuvre conjointement avec l'association culturelle Institut Guépèle, ainsi que l'association à but humanitaire Entraide Franco-Tibétaine, qui apporte son soutien aux personnes âgées, aux enfants et aux communautés monastiques réfugiées en Inde.
Le Vénérable Dagpo Rimpotché établit également plusieurs autres centres bouddhistes en France et à l’étranger, notamment aux Pays-Bas et en Asie du Sud-Est où il se rend régulièrement. Vivant en France depuis presque cinquante ans, il connaît bien notre culture et parle notre langue avec aisance. Il a cosigné de nombreux ouvrages sur le Tibet et le bouddhisme, et participe souvent à des émissions de radio et de télévision.
Rimpotché effectue périodiquement des voyages en Inde, afin d'enseigner dans son monastère ou de continuer à recevoir des enseignements auprès de ses maîtres. En tant que disciple, il en a suivi plus de quarante, parmi lesquels les deux Tuteurs de Sa Sainteté le Dalaï Lama, Kyabdjé Ling Rimpotché et Kyabdjé Trijang Rimpotché, ainsi que Sa Sainteté en personne. Auprès d'eux il a étudié les soutras ainsi que les tantras ; il a reçu de multiples initiations et accompli maintes retraites. Rimpotché est ainsi, parmi les rares maîtres de sa génération encore présents à notre époque, l'un de ceux qui détiennent de nombreuses de lignées de transmission remontant au Bouddha Shakyamouni. Il a également acquis une grande connaissance dans des disciplines telles que la poésie, la grammaire, l'histoire ou l'astrologie.
Le Vénérable Dagpo Rimpotché est un maître dont l’humilité, la bienveillance et l’infinie patience l’ont toujours rendu très accessible. Il n’a de cesse d’ouvrir aux autres les trésors de sa tradition spirituelle dans l’espoir qu’ils puissent en recueillir un bénéfice, et donne ainsi un exemple vivant de l'enseignement du Bouddha. Son immense érudition, ainsi que la profondeur et la clarté de ses instructions directement applicables dans la vie quotidienne, attirent des auditeurs toujours plus nombreux. Tous ceux qui, dans le monde entier, ont eu la chance d'écouter ses enseignements remarquables ou de solliciter ses conseils, ont obtenu de leur mise en pratique un apaisement et une richesse intérieure que seuls les êtres d'exception savent transmettre.
Son autobiographie, Le lama venu du Tibet, est disponible aux éditions Grasset, de même que celle de Guéshé Thoupten Phuntsog la, J'ai connu le Tibet libre.
Prédécesseur du Vénérable Dagpo Rimpotché, il fut abbé de trois monastères : Dagpo Shèdroup Ling, Bamtcheu et Doungkar. Il raviva au Tibet la tradition d'enseignement du lamrim, la voie progressive vers l'éveil.
Parmi ses incarnations précédentes, on compte notamment :
Son disciple le plus connu, Pabongkha Rimpotché, est à l'origine du texte de lamrim intitulé La Libération Suprême entre nos mains. Il eut notamment pour disciples Leurs Eminences Kyabdjé Ling Rimpotché (au milieu) et Kyabdjé Trijang Rimpotché (à droite), Tuteurs de Sa Sainteté le Quatorzième Dalaï Lama. Kyabdjé Ling Rimpotché occupa également la fonction de Ganden Tripa, chef suprême de l'école guélougpa, de 1965 à 1983.